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SEABUBBLES  / TRANSPORT VOLANT DU FUTUR
Par  © Hervé BONNOT

Photos : © Francis DEMANGE

Le Prince Albert II conquis par le SeaBubbles

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Au-dessus des eaux de la principauté, Son Altesse Sérénissime Albert II de Monaco a testé le SeaBubbles, un taxi volant révolutionnaire pionnier des transports écologiques de demain. Il en est sorti enchanté

 

Grâce à la technologie des foils, ces dérives qui permettaient déjà au Trimaran « Hydroptère » de littéralement voler au-dessus des flots, le petit véhicule glisse à 70 centimètres de la surface de la mer.

« Rapide, silencieux, écologique, voilà un véhicule tourné vers l’avenir ! » Ce samedi 28 avril, le Prince Albert II ne tarit pas d’éloges sur la « bulle » qu’il pilote pour la première fois en baie de Monaco. Et il sait de quoi il parle. A la tête de la Fondation Prince-Albert-II-de-Monaco, dédiée à la protection de l’environnement et au développement durable, il préside aussi le Yacht Club de la principauté et possède un passé de sportif de haut niveau. Aux côtés du navigateur français Alain Thébault et du champion de planche à voile suédois Anders Bringdal, cofondateurs de la start-up SeaBubbles qui depuis deux ans a le vent en poupe, il ne boude pas son plaisir. « C’est un honneur d’avoir accueilli le Prince à bord, déclare Alain Thébault. Lui qui m’avait déjà soutenu avec l’Hydroptère (trimaran volant conçu par le navigateur aux côtés d’Eric Tabarly NDLR) s’intéresse à ce projet depuis le début et suit attentivement son évolution. »

Propulsé par un moteur électrique préalablement rechargé à l’énergie solaire, l’embarcation futuriste gagne en vitesse. Quelques secondes suffisent à atteindre les six nœuds – soit 11 kilomètres à l’heure – nécessaires pour que l’appareil commence à s’élever en douceur au-dessus des flots de la Principauté, un léger feulement en guise de bruit de moteur. Et cela sans aucune turbulence : le « clapot » maritime est en effet amorti par la navigation quasi aérienne. A mi-chemin entre le bateau-taxi et l’avion, SeaBubbles est sans doute le précurseur des transports fluviaux et maritimes de demain.

L’idée a germé durant l’été 2015 à Hawaï, alors que l’Hydroptère vient de croiser dans l’archipel le Solar Impulse, avion solaire piloté par Bertrand Piccard, pour une rencontre historique. « Sur le quai, mes trois filles m’ont interpellé sur l’opportunité d’exploiter la technologie des foils, ces dérives qui permettent au bateau de voler au-dessus des flots, afin de créer un moyen de transport écologique et de remédier à la pollution des villes. Et elles avaient raison : si l’on veut laisser un air respirable à nos petits-enfants, il est temps de réinvestir le potentiel des voies navigables ». Force est de le constater, ce dernier n’est plus exploité au maximum. « L’homme a construit ses villes à proximité des cours d’eau et des littoraux, avant d’encombrer les berges de routes. Il faut saisir à nouveau cette alternative. »

L’aventure commencée il y a deux ans, grâce notamment au soutien d’Henri Seydoux, le patron du fabricant de drones Parrot, ou encore de la compagnie d’assurances MAIF, l’engin n’en est plus au stade du prototype. C’est même l’un des cinq véhicules de présérie que le Prince a l’occasion de piloter.

Le secret de l’engin, la portance hydrodynamique assurée par les “foils”, offre un confort inégalé. Si le principe semble simple, Alain Thébault, Anders Bringdal et les ingénieurs du chantier naval suisse Décision n’ont pas chômé pour optimiser le procédé : pas moins de 14 brevets ont été déposés. « Cela fonctionne avec l’eau comme les ailes d’un avion avec l’air, explique le navigateur. Il s’agit de s’affranchir du principe d’Archimède, c’est-à-dire de déjauger la coque grâce à une poussée verticale développée par les ailes. Celles-ci restent seules au contact de la surface, ce qui permet de diminuer la traînée et d’augmenter la vitesse. » Les avantages sont multiples : une faible consommation d’énergie, et un sillage quasiment nul qui limite l’érosion des berges.

Le design de l’engin a été modifié par rapport au prototype. « Désormais il n’y a plus que trois arbres, donc trois points de contact – un à l’avant, deux à l’arrière – avec la surface de l’eau au lieu de six », détaille Alain Thébault. Le contact avec l’onde étant encore plus limité, le véhicule consomme encore moins et gagne en autonomie. « Le décollage a lieu plus tôt et la vitesse maximale est plus élevée. » Le SeaBubbles peut désormais atteindre – lorsque c’est autorisé – la vitesse de 50 km/h. Autre innovation, il est désormais doté de commandes de vol électriques similaires à celles des Airbus. « Le SeaBubbles se pilote comme un avion, détaille Alain Thébault. Cela permettra bientôt d’imaginer un véhicule autonome ». Une évolution qui n’est pas sans rappeler les essais menés avec ses voitures électriques par le constructeur américain Tesla.

Outre la version taxi prévue pour 4 à 5 passagers, la start-up planche sur une version bus qui pourrait accueillir jusqu’à 32 passagers, dans la baie de San Francisco, sur le Rhône, ou au large de Tokyo…

Le Prince Albert ne dira pas le contraire : si l’on souhaite que la planète ne prenne pas l’eau, il est temps de prendre de la hauteur.

Texte ©Hervé BONNOT

Photos © Francis DEMANGE